LA PAGE DU PUBLIC 2013
Le 19 septembre 2013: article de Serge RESSIGUIER
LE VIGAN
La Fontaine, les Comédiens et l’Orgue du Temple
Non, ce n’est pas une fable inconnue de La Fontaine ; mais une entreprise osée, originale, vive, piquante, tentée et réussie par les Amis de l’Orgue du Temple du Vigan, en ce dimanche 8 Septembre : marier orgue et Fables, soit le talentueux organiste improvisateur Samuel Liégeon, et deux comédiens anciens élèves du Lycée du Vigan Juliette Steimer et Thomas Roche qui tels le pigeon de la Fable, reviennent sur leurs anciennes terres devant un public conquis par leur professionnalisme, leur apparente simplicité, leur maîtrise du geste et du texte.
Donc : deux comédiens, placés devant un micro de chaque côté de la scène, en tenue de ville, sobres et élégants ; en haut bien sûr l’organiste, et sur les bancs, en arc de cercle le nombreux public. Diction parfaite, plaisir des mots, avec chez Juliette tantôt les vers qui coulent d’un seul souffle, tantôt l’expression soulignée d’une pause, avec une fine malice ; chez Thomas, l’adresse au public se double d’une parfaite aisance maîtrisée ; le slam affleure parfois, jusqu’à l’improvisation-réécriture de deux fables, où la rime improbable en « ine » se trouve et chute avec « Ondine ».
Oui, mais l’Orgue dans tout cela ? Le monstre ne va-t-il pas dévorer le tissu délicat de ces vers pleins de fantaisie ? Ou bien s’effacer, disparaître pour laisser le champ libre à la lecture ? Que nenni : les improvisations de Samuel Liégeon ont évité les deux écueils, tantôt créant un monde par la puissance de sa musique, où se mêlent les forces de la nature et celles des émotions ; tantôt accompagnant, dans une amusante harmonie imitative, les pas des animaux de la fable.
Un dernier mot sur l’essentiel : le public. Le plaisir, le sourire et même le rire sont bien présents, plus vifs dans « les Femmes et le Secret », plus intériorisés dans d’autres fables, connues ou méconnues. Mais aussi, la stupeur avec une nuance d’admiration devant la hardiesse et le courage politique d’un fabuliste qui en pleine monarchie absolue écrit « Les grenouilles qui demandent un roi », et « Les animaux malades de la peste » : par le talent des deux comédiens et de la musique mêlés, la voix de La Fontaine nous parle, à nous, humains du XXIe siècle.
Il ne faut pas s’étonner si, devant un buffet que n’aurait pas renié le fabuliste, un même souhait en forme d’interrogation était repris par les uns et les autres : vous allez le continuer, ce spectacle, n’est-ce pas ?
S.R.