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30 juin 2019

Zuzana FERJENCIKOVA

Franz LISZT :

Weinen (pleurs), Klagen (gémissements), Sorgen (inquiétude), Zagen (crainte). Prélude pour orgue, S. 179 (transcription d'Alexander Winterberger)

Consolations, S. 172 (Quasi adagio en ré bémol majeur * Andantino en mi majeur (transcription d'Alexander Wilhelm Gottschalg) * Allegretto sempre cantabile en mi majeur (transcription d' A. W. Gottschalg)

Wolfgang Amadeus Mozart

Adagio et fugue ut mineur, K. 546 (transcription de Jean Guillou)

Adagio et rondo en ut mineur, K. 617 (transcription de J. Guillou)

Jean Guillou

Saya (L 'Oiseau bleu). Poème sur un air populaire coréen, op. 50

Zuzana Ferjencikova

Suite improvisée sur le “Voyage avec un âne dans les Cévennes” de R. L. Stevenson

 

Textes annexés au programme :

Suite improvisée pour orgue sur des thèmes du “Voyage avec un âne dans les Cévennes” par Robert Louis Stevenson (traduction de Léon Bocquet)

I. Modestine

Habitait au Monastier un vieillard d’intelligence plutôt médiocre selon certains, que poursuivait la marmaille des rues et connu à la ronde sous le nom de Père Adam. Or, Père Adam avait une carriole et, pour la tirer, une chétive ânesse, pas beaucoup plus grosse qu'un chien, de la couleur d'une souris, avec un regard plein de bonté et une mâchoire inférieure bien dessinée. Il y avait autour de la coquine, quelque chose de simple, de racé, une élégance puritaine, qui frappa aussitôt mon imagination. Notre première rencontre eut lieu sur la place du marché, au Monastier. Afin de prouver son excellente humeur, les enfants à tour de rôle s'installèrent sur son dos pour une promenade après l'autre, tête première, pirouettèrent en l'air, jusqu'à ce que le manque de confiance commençât de régner au cœur de cette jeunesse et que l'épreuve cessât faute de concurrents. J'étais déjà soutenu par une députation de mes amis, mais comme si cela ne suffisait pas, tous les acheteurs et vendeurs m'entourèrent et m'aidèrent au marchandage, L'ânesse et moi et Père Adam devînmes le centre d'un vrai brouhaha pendant presque une demi-heure. Enfin, la bête me fut cédée à raison de soixante-cinq francs et d'un verre d'eau-de-vie.

II. Campement dans l'obscurité

Enfin des arbres noirs commencèrent d'apparaître à ma gauche et, soudain, au travers de la route, creusèrent devant moi une caverne de ténèbres sans solution de continuité. J'écris une caverne sans exagération : passer sous cette voûte de feuillage, c'était comme de pénétrer dans un donjon. Je tâtonnai aux alentours, jusqu'à ce que ma main rencontrât une forte branche à laquelle j'attachai Modestine — bourriquet hagard, ruisselant, effaré. Puis je mis bas mon paquetage, l'étendis contre la paroi bordant la route et dénouai les courroies. Je savais à peu près où se trouvait la lanterne, mais où étaient les bougies ? Je farfouillai et refarfouillai parmi les objets bouleversés et, tandis que je procédais ainsi à l'aveuglette, tout à coup mes doigts touchèrent la lampe à alcool. Le salut ! Elle me serait utile ensuite d'ailleurs. Le vent mugissait sans répit dans les arbres. Je pouvais entendre les rameaux s'agiter et les feuillages faire un bruit de baratte sur un demi-mille de forêt. Pourtant la scène de mon campement n'était pas seulement aussi noire que de la poix, elle constituait un admirable refuge. A la seconde allumette craquée, la mèche s'enflamma. La lumière était ensemble livide et intermittente, mais elle me séparait de l'univers et doublait les ténèbres de la nuit commençante.

III. Les Moines

Je fus réveillé au minuit ténébreux, à ce qu'il semblait, bien qu'il fût réellement deux heures du matin, par les premiers coups de la cloche. Tous les frères alors se précipitaient à la chapelle. Les morts vivants, à cette minute insolite, commençaient déjà les travaux sans consolation de leur journée. Les morts-vivants ! Quelle image à vous glacer ! Et les paroles d'une chanson de France me revinrent en mémoire qui disaient le meilleur de notre vie paradoxale : Que t'as de belles filles, Giroflée, Girofla ! Que t'as de belles filles, L'Amour les comptera ! Et je rendis grâces à Dieu d'être libre d'errer, libre d'espérer, libre d'aimer !

IV. Les Arbres

Je voudrais pouvoir donner une idée du développement de ces arbres majestueux, comme ils étalaient leur ramure ainsi que le chêne, traînaient leurs branchages jusqu'au sol ainsi que le saule ; comment ils dressaient des fûts de colonnes, pareils aux piliers d'une église ou comment, ainsi que de l'olivier, du tronc le plus délabré, sortaient de jeunes et tendres pousses qui infusaient une vie nouvelle aux débris de la vie ancienne. Ainsi participaient-ils de la nature de plusieurs essences différentes. Et il n'était pas jusqu'à leur bouquet épineux du faîte dessiné de plus près sur le ciel qui ne leur conférât une certaine ressemblance avec le palmier, impressionnante pour l'imagination. Mais leur individualité, quoique formée d'éléments si divers, n'en était que plus riche et plus originale. Et baisser les yeux au niveau de ces masses abondantes de feuillages ou voir un clan de ces bouquets d'antiques châtaigniers indomptables, « pareils à des éléphants attroupés » sur l'éperon d'une montagne, c'est s'élever aux plus sublimes méditations sur les puissances cachées de la nature.

V. Les Psaumes

« Nous courions, raconte un vieux Camisard, lorsque nous entendions le chant des psaumes, nous courions comme si nous avions des ailes. Nous ressentions, à l'intime de nous, une ardeur exaltante, un désir qui nous soulevait. Des mots ne peuvent traduire nos sentiments. C'est quelque chose qu'il faut avoir ressenti pour le comprendre. Aussi harassés que nous pouvions être, nous ne pensions plus à notre fatigue et nous devenions enthousiastes dès que le chant des psaumes arrivait à nos oreilles. »

VI. Castanet

Et Castanet, non seulement comme chef actif et entreprenant, mérite une mention parmi les Camisards : à ses lauriers se mêle une touffe de roses. Il montra, en effet, comment même dans une tragédie publique, l'amour arrive à ses fins. Au plus fort de la guerre, il épousa, dans sa citadelle des montagnes, une jeune et jolie fille, appelée Mariette. Il y eut de grandes réjouissances et le marié, en l'honneur de l'heureux événement, libéra soixante-dix prisonniers. Sept mois plus tard, Mariette, la princesse des Cévennes comme on la nommait par dérision, tomba aux mains des autorités, ce qui équivalait pour elle à la mort. Mais Castanet était un homme résolu et il aimait sa femme. Il fonça sur Valleraugue et en emmena une dame comme otage. Pour la première et dernière fois au cours de cette guerre, il y eut échange de prisonniers. Leur fille, gage de quelque nuit étoilée sur le mont Aigoual, a laissé des descendants jusqu'à aujourd'hui.